Santé
LE PAIN : ALIMENT – SANTE OU
ALIMENT-POISON ?
On constate une augmentation du nombre de personnes allergiques au gluten. Faut-il obligatoirement se passer de pain ? Et de quel pain parle-t-on ? Fait avec quel blé ? Les alternatives ?
Diététicienne convaincue depuis bientôt 30 ans des bienfaits d’une alimentation basée essentiellement sur les légumes verts, les céréales complètes et les légumineuses, j’ai constaté à la plupart de mes patients de troquer leur pain blanc contre les délicieux pains complet ou demi complet de qualité biologique et au levain, véritable aliment << santé>>. J’avais pour les convaincre de nombreux arguments scientifiques à la clé :• Apports exceptionnel en minéraux (magnésium et calcium) et vitamines (B1 et E)• Apports en fibres avec tous leurs effets bénéfiques sur le transit et la régulation de la glycémie.L’index glycémique (IG) d’un pain est d’autant plus bas qu’il est riche en fibres : ainsi, en moyenne, un pain demi-complet (type 80, farine bise en suisse) a un IG de 55, un pain complet type 110, blé complet entier en suisse) a un IG de 50 et un pain de seigle(type 130, seigle valaisan en suisse) a un IG de 40.• Apport plus important en protéines et en acides aminés essentiels, précieux lorsque l’on cherche à diminuer ses apports en protéines animales !• Des amidons plus facilement digestibles grâce à la panification au levain.Les résultats bénéfiques ne tardaient jamais et le retour de mes patients étaient largement positifs : transit régulier et améliorés, arrêt des fringales et hypoglycémies du matin, amélioration des glycémies chez les patients diabétiques, perte de poids sans fringales et sans fatigues.
Questions-réponses J’avais régulièrement à défendre les bienfaits des pains complets face aux nombreux détracteurs de l’époque qui posaient régulièrement les mêmes questions :Les fibres des pains complets sont-elles irritantes et provoquent- elles des colites ? Non, le son d’une céréale est constitués de plusieurs couches. La coche externe, ou péricarpe, constituée de lignine insoluble dans l’eau est effectivement irritante pour les intestins fragiles. Les deux autres couches, mésocarpe et endocarpe, sont constituées de cellulose et hémicellulose soluble dans l’eau et sont peu ou pas irritantes.Les personnes fragiles s’abstiendront de pains complet ou intégral mais consommeront sans soucis des pains demi-complets (type 80 , bise en suisse). A savoir aussi que les fibres sont d’autant moins irritantes qu’elles sont moulues finement.La mouture des grains par broyage (à l’ancienne) sur meules de pierres << micronise>>en quelque sorte les fibres alors que les mouture moderne sur cylindres laissent le son grossièrement moulu.L’acide phytique contenu dans le son empêche-t- il l’assimilation des minéraux ? Ou manger du pain complet est- t- il déminéralisant ? L’acide phytique contenu dans le son des céréales empêche effectivement la bonne absorption des minéraux au niveau de l’intestin grêle car il se lie avec les cations minéraux(magnésium, fer et zinc…) pour former des phytates, grosses molécules incapables de traverser la barrière intestinale du grêle.Mais de nombreuses études ont prouvés que chez les consommateurs habituels de céréales complètes, la flore digestive de leur colon détruisait ces phytates et libérait des minéraux,les rendant cette fois assimilable au travers de la paroi intestinale du côlon. Par contre,chez les consommateurs occasionnels de céréales complète, ce phénomène ne se met pas en place !A savoir également qu’au cours de la fermentation lente (6 heures) au levain d’un pain complet l’acide phytique est en grande partie détruit, rendant ainsi les minéraux directement assimilables au niveau du grêle.En conclusion, consommez régulièrement des pains complets ou demi-complets obtenus à partir de la farine biologique moulue sur la meule de pierre et levés lentement au levain, ce qui est le choix de la plupart des consommateurs avertis.
Le pain blancCelui réalisé par la boulangerie <<moderne>> et <<industrielle>> peut-il encore être considéré comme un aliment ? Réalisé avec des farines raffinées, c’est- à- dire privées de leur son, le pain blanc est pauvre en fibres, minéraux, vitamines B1 et acides aminés essentiels. L’amidon du pain se digère vite et sans présence de fibres, le glucose libéré passe rapidement la barrière intestinale et augmente rapidement la glycémie. L’index du pain blanc est de 75, celui du pain complet de 50. Le pain blanc est à considérer comme un sucre rapide au même titre que les sucreries.Avec les mêmes conséquences désastreuses sur la santé : hyperglycémies suivies d’hypoglycémie et de fringales ; il est à déconseiller à tous les diabétique et à tous les candidats à la minceur !Mais la mauvaise qualité du pain blanc tient également aux techniques boulangères actuelles et l’ajout de nombreux ingrédients dans la pâte : gluten, farines de lupin ou de soja pour la texture, les enzymes pour favoriser la levée rapidement, substances anti-rancissement, les arômes de synthèse… en tout plus de 80 adjuvants sont répertoriés dans les mélanges de farines livrés tout prêts aux boulangers. Il n’y a rien d’étonnant à observer la montée des allergies ou intolérances à ce type de pain, les boulangers en sont d’ailleurs les premières victimes !
Les blés modernes sont-il adaptés à notre système digestif ?
Mon point de vue sur le pain à évolué ces dernière année. Depuis environ l’an 2000, j’ai pu observer, chez un grand nombre de mes patients consommateurs de pains industriels mais également chez les consommateurs nouveaux ou anciens de pains bio complets, l’apparition de troubles de santé liés à une intolérances à ces pains.
Les symptômes de cette intolérance peuvent être très divers :
• Brûlures d’estomac, hernie hiatale dans certains cas.
• Diarrhées ou constipation chronique.
• Colites plus ou moins graves.
• Acné ou éczema.
• Douleurs articulaires.
• Oedèmes dans les jambes.
• Hypoglycémies anormales.
• Fatigue chronique avec parfois un état dépressif.
Le simple remplacement du blé par l’épeautre, le seigle ou un << blé ancien>>
a généralement suffit pour voir disparaître les symptômes.
La confrontation de mes observations avec les travaux du Dr Jean Seignalet, la rencontre avec les
<< paysans - boulangers>> Nicolas Supiot et Jean-François Berthelot, entre autres, m’ont permis de comprendre que les blés modernes, même cultivés en agriculture biologique, ne convenaient plus à la plupart d’entre nous, et ce pour de multiples raisons résumées ici brièvement :
• les hybridations successives qui ont abouti à la création de ce << blé moderne >> ont profondément modifié le code génétique du blé et par conséquent la structure de ses protéines, le pourcentage de gluten, la qualité des amidons…
• Le blé moderne est plus riche en gluten que les blés anciens,
• Ses protéines et en particulier son gluten sont beaucoup plus agglutinant
(pour répondre à la demande des techniques modernes) mais aussi beaucoup plus allergisants.
• Ses enveloppes (ou son) sont plus dures et irritantes.
D’après les études et observations du Dr Jean Seignalet, les modifications ont été très rapides : quelques dizaines d’années et les enzymes digestives de l’homme n’ont pas eu le temps de s’adapter, entraînant une mauvaise digestion des différents constituants du blé.
Des molécules mal digérées
D’autre part, nos intestins, de plus en plus malmenés par toutes sortes de molécules
<< étrangères à la Vie >> (résidus phytosanitaires, additifs divers…) ne jouent plus correctement leur rôle de << barrière >> et laissent passer ces molécules mal digérées dans notre organisme qui réagira plus ou moins violemment.
Soit notre organisme sollicite directement nos défenses immunitaires avec des réactions de types allergies ou des maladies auto-immunes.
Soit il met à contribution toutes nos possibilités d’élimination des toxines grâce à nos divers émonctoires : peau, poumons, appareil urinaire, appareil urinaire, appareil digestif.
Cette élimination pourra générer toutes sortes de troubles : eczéma, acné, prurit, bronchite, rhinopharyngite, sinusite, otite…cystite, infections urinaires, pertes blanches,
règles douloureuses, colites, rectocolites, trouble du transit…
Soit il stocke dans nos tissus, en les encrassant, les déchets ingérables par nos systèmes d’élimination, générant toutes les pathologies << d’encrassage >> décrite depuis longtemps par les naturopathes : rhumatisme, fibromyalgies, fatigue chronique, dépression, cancer.
Intolérance ou allergies ?
En effet, il ne faut pas confondre intolérance aux blé moderne et intolérance ou allergie au gluten.
On appelle << gluten >> l’ensemble des protéines insolubles dans l’eau contenues dans les céréales suivantes : blé, épeautre, petit épeautre, kamut, toutes les variétés de blés anciens, orge, avoine, et seigle.
Le gluten de chacunes de ces céréales est différent et ne présente pas le même risque d’allerginicité. Ainsi les glutens des blés modernes sont des macromolécules particulièrement allergisantes. De la même manière une personne peut être particulièrement sensible au gluten d’une céréale mais pas au gluten d’une autre…
Chacune de ces céréales contient des proportions de gluten différentes. Ainsile seigle et le petit épeautre sont relativement pauvre en gluten, les blés modernes sont nettement plus riches en gluten que les blés anciens.
Le gluten est indispensable à la panification, c’est lui qui permet à une pâte, mélange de farine et d’eau, de devenir élastique lors du pétrissage et d’emprisonner les petites bulles de gaz carbonique formées au cours de sa fermentation, en assurant ainsi sa << levée >>.
L’introduction actuelle des blés ayant des macromolécules de gluten plus
<< agglutinantes >> dans les pâtes à pain, à gâteaux, à biscuits permet de pallier les inconvénient du pétrissage mécanique ou de la congélation qui inhibent plus ou moins l’action du gluten.
L‘utilisation du gluten dans l’industrie agroalimentaire est en constante augmentation depuis quelques années, il est fortement utilisé pour ses propriétés épaississante ou << texturantes>> et est de plus en plus présent dans toutes sortes de préparations : plats en sauces prêts à l’emploi, desserts lactés, confiseries, boissons, soupes prête à l’emploi…Ce qui réduit les choix alimentaires de toutes les personnes allergiques au gluten !
L’allergie au gluten, ou maladie coeliaque, se traduit par la destruction des villosités de l’intestin grêle. IL en résulte des diarrhées sanguinolentes et une malabsorbtion quasi totale des aliments.
On observe alors un état de dénutrition gravissime ( surtout pour les nourrissons )
La vraie allergie implique le système immunitaire : la recherche des IGE spécifiques au gluten est positive. Une biopsie de l’intestin grêle révèle des lésions de la paroi intestinales.
Dans le cadre d’une allergie au gluten diagnostiquée, aucune trace de gluten n’est tolérée dans l’alimentation, obligeant le malade à sélectionner des aliments garantis officiellement sans gluten.
(logo apposé sur l’emballage du produit)
Comment savoir si on est intolérant au gluten ?
Une intolérance au gluten peut être soupçonnée quand on observe les symptômes suivant :
• troubles intestinaux chroniques comme des ballonnement, des diarrhées, de la constipation ou encore des pathologies plus graves comme de la maladie de Crohn.
• Des affections cutanées diverses, acné, psoriasis, eczéma, aphtes.
• Anémie, fatigue chronique.
• Des troubles du comportement, anxiété, états dépressifs, spasmophilie.
• Des migraines fréquentes.
• Certaines pathologies auto immunes.
L’amélioration très nette des symptômes dès la suppression de toutes les céréales contenant du gluten est un signe qui ne trompe pas.
L’intolérance n’implique pas le système immunitaire, elle provoquera plutôt des réactions de type << élimination >> ou << encrassage >> , la recherche d’IGE spécifiques au gluten se révèlera négative.
Dans ce cas, la personne intolérante s’efforcera de supprimer au maximum tout aliment contenant du gluten. Elle pourra, selon son degré d’intolérance, supporter occasionnellement une petite dose de gluten et pourra consommer sans risques toutes les céréales naturellement sans gluten : riz, millet, sarrasin, quinoa, amarante, vendues sans le sigle officiel
<< sans gluten >>.
Malheureusement, il est difficile de faire du pain sans gluten, et les régimes sans gluten apportent souvent à plus ou moins long terme une grande frustration, les substituts industriels étant de goût et de textures décevants.
Une intolérance au gluten ou à d’autres protéines des blés modernes sera à soupçonner quand lorsqu’on observe les mêmes symptômes que précédemment, la suppression de toutes les céréales sans gluten donne une amélioration, et quand la rèintroduction des céréales avec gluten autres que le blé ne pose plus de problèmes. Dans ce cas, la personne intolérante aux blés moderne pourra consommer, selon son degré de tolérance, de l’épeautre
(petit ou grand)
du seigle, de l’orge, de l’avoine sous toutes leurs formes : grains, farines, semoules, pâtes, pains, biscuits…
Cette fois le régime est beaucoup plus facile et beaucoup moins frustrant car le pain n’est pas exclu : seigle, épeautre, petit épeautre, blés ancien permettent en effet la réalisation de pains et gâteaux délicieux.
Tester avant de rejeter
Chaque personne est différente, et il serait dangereux ou inutile de mettre tout le monde au
<< sans blé >> ou au << sans gluten >>. C’est pourquoi je conseille à chacun de mes patient de tester lui-même son degré de tolérance à ces diverses céréales en observant tout simplement comment évolue son état de santé quand il supprime ou réintroduit tel ou tel aliment. Très souvent, l’intolérance au gluten ou au blé est associée à d’autres intolérances alimentaires fréquentes aujourd’hui
(comme celle au lait des vaches moderne et à ses nombreux dérivés : yaourt, fromages…) ,
le simple fait de réduire la consommation de ces derniers permet d’augmenter la tolérance aux premiers.
Très souvent aussi les intolérances alimentaires sont liées à un système digestif déficient, une flore intestinale déséquilibrée, une barrière intestinale agressée par toutes sortes de substances (additifs, colorants, émulsifiants, conservateurs, médicaments…) un foie surchargé, trop de stress ou un stress mal géré… C’est pourquoi j’invite mes patient à fdaire un bilan complet de leur état de santé et j’associe toujours mes conseils de suppression
(du gluten ou du blé moderne) à d’autres conseils permettant de retrouver un système digestif performant, une bonne flore intestinale, un foie performant, le calme au moment des repas….
Brigitte Wattiez-Fichaux.
diététicienne et formatrice en cuisine diététique
Article publié dans le journal Biocontact de Janvier 2008
LIRE
COURS ET FORMATION EN CUISINE DIETETIQUE
• Guide pratique pour allergie et • Cours de cuisine pour le grand public.
intolérances alimentaires. • Formation pour devenir animateur
Brigitte Fichaux, éd. Gabriandres. ou animatrice en cuisine diététique.
• L’alimentation ou la troisième médecine • Formation pour les diététiciennes sur
Dr Jean Seignalet,éd. François-Xavier de Guibert. l’intérêt des produits biologiques.
• Documents divers publiés par Jean-François
Berthelot et Nicolas. INFOS
Supiot diffusés par le << Réseau Semences Brigitte Fichaux
paysannes : d’Irlande Bâtiment l’églantier, 8 rue
www.semencespaysannes.org 35510 Cesson-Sévigné
www.latelevisionpaysanne.fr Secrétariat : 02.99.83.37.92
Visionner le films les blé d’or Mail : brigitte.fichaux@wanadoo.fr
et l’association Aspaasri
(Association de soutien aux projets et activités www.nouvellecuisinefamiliale.com
agricoles et rurales innovantes).
COMMENT VOTRE PIZZA PEUT ÊTRE VRAIMENT BONNE
Une table dans une pizzeria , je suis placé dans l’axe de vision du pizzaiolo.
Le four sur la gauche latéralement , puis le mince couloir devant la table de marbre
Les tiroirs frigo inox en dessous.
La clochette sonne, la pizza est prête…la serveuse arrive prestement pour un service chaud.
Je regarde le pizzaiolo au travail et déguste ses gestes et sa méticuleuse conscience
Il est complètement en osmose avec ses actions , ses mouvements, au service de son travail et ce spectacle me touche…
Il prépare des boules de pâtes pour le service du soir, sans balance, ses mains savent ce qu’elles doivent contenir comme volume de pâte, seul son ressenti manuel et corporel
Lui donnent la juste mesure, il remet un petit morceau et tout participe, l’œil, le toucher
Et un cœur de géant.
Je regarde ce travailleur, simple pizzaiolo et j’apprécie vraiment ce spectacle, je prend le temps de m’imprégner
et m’imagine la qualité de cette pizza avec tout ce qu’elle représente.
Cette pâte que le pizzaiolo accompagne dans une transformation, dans une évolution
Magnificiante….
Qui peux réellement en avoir la chair de poule……qui le regarde vraiment dans ses actes
Religieux de confection d’un repas sacré, oui tellement attentif qu’il se donne réellement à son action.
Le pizzaiolo est fort, carré, le crâne tondu et malgré cette force, il sait emmener la pâte dans son destin de souplesse, d’élongation, de forme ronde et fine, ses mains puissantes s’adaptent à la résistance, il danse sa caresse d’amour à initier la pâte à son dialogue, il aime.
Une boule de pâte sort du frigo , juste trempée dans la farine, les doigts s’activent , la pâte accepte de s’aplatir, de se soumettre avec délice et régal à la douce force de l’Homme.
Légèrement aplatie, la pâte est déposée dans la machine à laminer, un passage, puis avec un peu de farine et retournée deuxième et troisième passage, elle est fine ronde et souple.
<< 24 heures avant elle est née >>, reposée, élevée en douceur de fermentation avec un peu d’huile d’olive, elle est née de l’acceptation de sa souplesse , de son don, elle s’offre aux mains de l’Homme et s’affine, ronronne .
Déposée sur la table après une ultime danse dans les mains de douceur tourbillonnante
Elle arrive sur le marbre, les mains l’ajustent encore d’une ronde perfection.
Garnie d’une sauce tomate aromatique, d’ingrédients virevoltants déposés avec magie
Et créativité, elle se pare de couleurs et de saveurs.
Rien ne serait possible sans la flamme, la cristallisation.
D’un geste sûr, le pizzaiolo glisse la pelle sous la pizza, se retourne pour déposer son œuvre dans le four rougeoyant de belles flammes.
L’œil aux aguet, les sens en éveil, il observe la naissance par la magie et le mystère de la chaleur vive qui harmonise la danse des ingrédients, l’alchimie d’une douce fusion
1-2 minutes, le four est chaud, croustillante et fondante, les saveurs rondes dansantes
n’attendent que le palais gourmand pour une ultime pirouette.
Prendre le temps de déguster, de sentir, s’enivrer de tout ce travail consciencieux, se régaler et donner au corps toutes les couleurs de cette création.
Merci au Maître…..
Restaurant la Charrue,
1350 Orbe
Bon appétit
Marc Haller, lespainsdemonchemin.ch
mercredi 25 novembre 2015
Rendons au pain toute sa saveur !
Depuis la guerre, la fabrication du pain a profondément évolué, mais dans un sens qui en compromet la qualité.
De nouvelles techniques de panification voient le jour.
Après tant d'années de modernisation des boulangeries et de diversification de l'offre de pain, on pourrait penser que l'histoire du pain a été largement écrite. La gamme des pains disponibles est en effet très large. Cette belle apparence est plutôt trompeuse, puisque les blés modernes, les farines et les procédés de panification actuels ne permettent pas d'optimiser la qualité nutritionnelle du pain, et ne correspondent pas à une chaîne alimentaire durable.
Au sortir de la deuxième guerre mondiale, la boulangerie découvrit les bénéfices apparents du pétrissage intensif qui, par miracle, produisait un pain blanc volumineux, chassant d'un coup de pétrin magique les affres du pain noir. Le seul bémol venait de la qualité des blés français, dont le gluten réagissait insuffisamment bien au surpétrissage mécanique. Des blés dits " de force ", importés d'Amérique, venaient suppléer la faiblesse du gluten des variétés françaises, ce qui allait à l'encontre de notre politique d'autosuffisance alimentaire. La suite est connue : grâce à l'effort conjugué de l'INRA et des semenciers de l'Hexagone, les rendements de blé et la force boulangère du gluten ont plus que doublé en cinquante ans, faisant de la France un grand pays céréalier. Cette évolution a semblé une aubaine pour les boulangers, puisque le blé entre maintenant pour moins de 5 % dans le coût du pain.
Dans ces conditions, le secteur de la boulangerie s'est désintéressé de l'origine du blé pour mieux se concentrer sur la modernisation de la panification. En réduisant les critères de qualité du blé aux propriétés viscoélastiques du gluten, la filière blé-pain a favorisé l'émergence d'un nouveau problème de sensibilité au gluten et négligé le suivi de la qualité nutritionnelle globale du pain. Son seul fait d'armes se limite au décret du pain de tradition française, publié en 1993, qui fit le ménage dans les additifs autorisés, tout en banalisant un ajout systématique de gluten exogène (sous-produit de l'amidonnerie) et d'enzymes dans les farines.
La qualité de notre baguette est bien inférieure à celle du pain au levain d'antan, confectionné avec des farines produites à la meule de pierre. Que faut-il faire dans ces conditions ? Prôner le retour improbable ou marginal à un passé révolu, ou tout repenser pour concevoir un nouveau pain qui s'inscrive dans le cadre d'une alimentation plus durable ?
Dans cette perspective, c'est pratiquement toutes les étapes du champ jusqu'au fournil qu'il faudrait changer.
Limiter le pétrissage
> Disposer de variétés de blé, avec des profils de gluten plus équilibrés, de productivité moyenne, mais moins exigeantes en azote et plus résistantes aux maladies, ne sera pas une mince affaire. Nos boulangers paysans essaient déjà de réhabiliter des variétés anciennes, ce qui ne dispense pas de repenser entièrement les critères de sélection des variétés de blé pour approvisionner la filière. Dès à présent, pour aller vers des pains nouveaux et authentiques, la boulangerie ne devrait travailler que sur des farines pures, sans ajout de gluten et enzymes, en bannissant les farines trop blanches, trop pauvres en fibres, minéraux et micronutriments dont les enveloppes du grain sont si riches.
Le deuxième changement fondamental, par rapport à la panification conventionnelle, consisterait à limiter le pétrissage à sa plus simple expression. Il est difficile d'imaginer à quel point le pétrissage actuel de 15-20 minutes oxyde la pâte et rend insipide le pain, remanie trop fortement le réseau de gluten et transforme le pain en glucide rapide. Que de dégâts bien inutiles, alors que 2 ou 3 minutes de pétrissage à vitesse lente peuvent suffire, si l'on mélange les ingrédients à température suffisamment élevée et si l'on ménage un temps de repos de quelques dizaines de minutes à la pâte.
La panification courante fait un usage excessif de ferments, principalement de la levure, pour faire du pain en quelques heures. Ce n'est pas une bonne pratique, et il est préférable d'utiliser des doses faibles de levure ou de levain pour réaliser de très longues fermentations à température ambiante. La levure industrielle a longtemps supplanté le levain naturel, composé de bactéries lactiques et de levures sauvages. Pourtant, le levain est irremplaçable pour accroître la biodisponibilité des minéraux et des micronutriments et pour amorcer la dégradation du gluten et améliorer sa digestibilité. Mais la perspective d'abandonner les facilités de l'utilisation de la levure pour adopter la panification au levain, beaucoup plus laborieuse, n'enchante guère nos boulangers.
Au lieu d'une simple addition de levure, c'est de 20 à 30 % de levain rafraîchi qu'il faut incorporer à la pâte, dans la panification traditionnelle au levain. Mais l'obstacle vient d'être franchi. En fait, il est possible d'utiliser à peine quelques grammes de levain au kilo de farine, soit 100 fois moins de levain que dans les techniques anciennes, pourvu que l'on procède à de longues fermentations à température ambiante (de 12 à 20 heures par exemple). Cette méthode de faible ensemencement, où les autres paramètres de la panification sont également modifiés, a été testée en boulangerie, bio et conventionnelle, avec toujours d'excellents résultats en termes de goût et de présentation.
C'est donc une révolution dans l'art de faire du pain qui a vu le jour et qui se démarque des procédés traditionnels au levain ou des technologies modernes de fermentation en chambre froide. Dans toutes ces méthodes conventionnelles, l'ensemencement en ferment est colossal, si bien qu'il convient même de ralentir les activités fermentaires par le froid. La pâte subit seulement les dégradations enzymatiques d'origine microbienne. A l'inverse, dans le nouveau procédé de faible ensemencement, les enzymes de la farine susceptibles de dégrader de nombreux composés du grain disposent d'une bonne température et de beaucoup de temps pour agir, avant le développement exponentiel en fin d'incubation du microbiote du levain. L'expression de l'ensemble des activités enzymatiques végétales et microbiennes permet de disposer de pains particulièrement digestes, malgré les défauts actuels des variétés de blé.
Les personnes hypersensibles au gluten pourront donc disposer d'un nouveau type de pain particulièrement digeste. C'est également une bonne nouvelle pour tous les amateurs de bon pain. On peut espérer que cette nouvelle méthode de panification au levain soit largement adoptée.
Christian Rémésy
© Le Monde